Catégorie : édito

  • Temps suspendu

    Temps suspendu

    C’est les vacances. En pratique, pas pour tout le monde : la plupart des salarié⋅es travaillent la majorité de l’été. Mais l’école est finie et les administrations fonctionnent au ralenti. L’Assemblée nationale a achevé ses travaux, et ne les reprendra qu’au mois d’octobre.

    François Bayrou présente ce mardi 15 juillet ses pistes pour le budget qui doit être voté à l’automne, mais son gouvernement ne pourra pas être censuré tant que les député-es ne siègent pas. Il y aurait pourtant de quoi. 40 milliards d’économie annoncées, sans toucher aux impôts des plus riches, tout en augmentant les dépenses militaires : c’est le peuple qui va payer.

    Temps suspendu, donc. La guerre ne s’arrête pourtant pas (ailleurs page 1), et l’intérêt des français-es pour la politique non plus. Le Monde rapporte qu’avant les élections législatives de 2024, Gérald Darmanin disait « le 7 juillet, les blédards seront partis et ne voteront pas LFI ». L’histoire lui a donné tort : 33 millions de personnes s’étaient mobilisées pour voter en 2024, dont près de 7,2% par procuration. C’est 10 millions de personnes de plus qu’aux législatives 2022.

    Les institutions ne sont pas bloquées pour cet été seulement : elles le sont depuis de longs mois. L’obstination d’Emmanuel Macron à ne pas nommer un-e Premier-e ministre issu-e du Nouveau Front Populaire a plongé le pays dans la crise politique. La seule stratégie de la coalition macronie-LR est de gagner du temps jusqu’à la prochaine censure. Pas de grandes réformes sur le travail, la santé ou la justice, rien de concret sur les retraites, mais des textes pro-business comme la loi Duplomb, sur lesquels toute la droite se rejoint, de Renaissance au RN (actu page 1).

    Les prochaines élections prévues sont les municipales en mars 2025. Mais les polémiques qui traversent la campagne (actu page 2) sont en réalité nationales, et chacun-e se prépare aussi aux autres hypothèses. Car sans cet étirement sans fin du temps politique, une nouvelle censure, et probablement de nouvelles élections législatives, auraient lieu demain. Mais ça marche, et avec le soutien notable du RN, Bayrou passera l’été.

    Le prochain numéro paraîtra le 24 août (20 numéros par an). Mais l’activité du journal ne s’arrête pas : ateliers d’écriture, événements à la rentrée… Pour nous rejoindre, rendez-vous sur partidesfemmes.fr/contribuer

  • On a déjà vu ce film

    On a déjà vu ce film

    2025 a des airs de mauvais remake. L’esthétique Y2K (des années 2000) est partout. Une dissolution de l’Assemblée nationale par le Président, un Rassemblement national sans Marine Le Pen, le retour de Dominique de Villepin, l’argument de la guerre préventive et de la démocratisation pour bombarder au Moyen-Orient… même François Bayrou est toujours dans les parages.

    Les forces politiques traditionnelles, excitées par l’approche des échéances électorales, croient encore qu’un changement d’image de marque suffit à gagner des élections. Dominique de Villepin essaye de faire oublier qu’il est de droite avec un nom de parti pompé à Mélenchon et en réchauffant ses positions sur la diplomatie française au Moyen-Orient (actu page 2). Mais comme Benny dans la série Overcompensating (pop !), il risque de lui être difficile de maintenir cette façade très longtemps. 

    Sur le volet économique, la réforme des retraites reste un sujet central après l’échec du « conclave », qui risque d’enterrer le gouvernement Bayrou avec lui (actu page 1). Sa solution reste toujours plus d’austérité, avec chaque semaine des milliards de coupes annoncées, alors que l’imposition des plus riches est écartée et que se maintiennent les taxes injustes, à l’instar de la TVA (comprendre). Pour celles et ceux qui le peuvent, l’été est aussi la période des congés payés (au cas où) et la crise du logement exacerbée par les plateformes comme Airbnb (ailleurs).

    Qu’on le remonte ou qu’on cherche à en gagner, le temps est une ressource précieuse. C’est ce que cherche le Parti socialiste pour apaiser ses tensions internes et reporter la question de l’alliance à gauche. C’est ce qu’il faut au Rassemblement national pour éviter de devoir faire chuter le gouvernement avant le jugement en appel de Marine Le Pen. C’est ce que veut rattraper Dominique de Villepin en proposant la réforme de la retraite à points empêchée par la pandémie de Covid-19. C’est ce qui se fait long pour les peuples du Moyen-Orient, depuis des décennies prises en étau entre les dictatures et les bombes américaines (dossier).

  • Et tant qu’on se bat

    Et tant qu’on se bat

    Le génocide en Palestine incarne une bascule brutale du monde dans la cruauté politique – qui perdure parce qu’elle est rentable. Le salon du Bourget accueille cette semaine des entreprises dont les drones sont utilisés à Gaza (actu page 2). Mais comme les dockers qui refusent de charger des armes, nous pouvons faire obstacle, par la grève, le sabotage, la dénonciation. L’évolution récente du discours médiatique en France sur le génocide et la dénonciation publique des crimes de l’État israélien sont une victoire de la pression populaire, de la convergence des luttes et de la mobilisation internationale.

    Plus de vingt ans de mouvements révolutionnaires, de mobilisations féministes massives, d’avancées des droits LGBTI – malgré des reculs et la répression – ont transformé les sociétés plus profondément qu’il n’y paraît. En France, l’exécutif gouverne plus faible que jamais, alors que la gauche a remporté une victoire électorale massive en juin 2024.

    Bien sûr, l’heure est grave. Aux États-Unis, Trump démantèle l’État de droit et intensifie la répression contre les femmes, les personnes étrangères, les personnes trans. En plein mois des fiertés, les amateurs de pinkwashing d’hier rangent leurs drapeaux arc-en-ciel. Et en France aussi, les droits LGBTI, quand ils ne servent pas le nationalisme, restent attaqués jusqu’au sommet de l’État (actu page 1). La violence institutionnelle est aussi flagrante dans les affaires de viols, comme l’ont illustré les procès Le Scouarnec et Pélicot (dossier).

    La répression passe aussi par les coupes financières. Dans comprendre, on revient sur leurs conséquences concrètes pour les droits humains et la santé, avec l’exemple de la polio. À l’inverse, les financements d’organisations réactionnaires du Nord vers le Sud augmentent (ailleurs).

    Vous lisez le premier numéro de Parti des femmes. Cet objet est l’une de nos contributions, en tant que femmes, à la riposte contre le fascisme. Si vous vous retrouvez dans nos mots, faites circuler ce numéro, distribuez-le, affichez-le, abonnez-vous au journal et à nos réseaux sociaux. Et n’oubliez pas : la seule lutte perdue d’avance, c’est celle qu’on ne mène pas jusqu’au bout.