Mercredi 9 juillet, c’est le glas de l’ancien monde qui a résonné à l’Assemblée Nationale avec l’ultime vote de la loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Sous couvert de simplification administrative, le texte, porté par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, lui-même ancien élu de la FNSEA (le syndicat majoritaire prônant l’agriculture intensive) rejoue la rhétorique éculée d’opposition entre protection de l’environnement et défense du rendement économique. Bien au contraire, les mesures emblématiques du texte, en cherchant à maintenir à tout prix le système productiviste responsable de la crise agricole actuelle, ne défendent rien d’autre que les intérêts corporatistes des géants de l’agroalimentaire.
Les parlementaires ont ainsi entériné d’importants reculs pour la biodiversité et la santé des travailleur-euses. Au premier rang, la réintroduction sous conditions de l’acétamipride, un néonicotinoïde dont l’utilisation a été suspendue dès 2018 en France, en raison de sa nocivité pour les abeilles et de sa possible responsabilité dans le développement de cancers chez les personnes exposées. Ce retour, jugé incompréhensible par la communauté scientifique et les syndicats paysans, serait justifié par l’autorisation de l’insecticide dans le reste de l’Union Européenne, et l’idée d’une concurrence économique déloyale pour les producteur-ices français-es. Même son de cloche pour la facilitation de l’implantation des élevages intensifs, ou la mise sous tutelle de l’Office Français de la Biodiversité à la préfecture, censées favoriser le rendement. La loi confère également aux méga-bassines un statut « d’intérêt général majeur ». Ces réservoirs artificiels, utilisés pour stocker à l’air libre de l’eau en prévision des périodes de sécheresses, sont pointés du doigt comme un accaparement d’un bien commun par une petite minorité, aggravant la situation dans des régions en tension d’approvisionnement. Pour sauver l’agriculture française, il n’y aurait visiblement qu’une seule voie : produire toujours plus et plus vite, sans aucune considération pour la soutenabilité sociale et environnementale de notre système sur le long terme.
La séquence est d’autant plus amère que le processus parlementaire a été inédit. En mai dernier, le rapporteur LR déposait en première lecture une motion de rejet sur son propre texte pour en accélérer l’adoption. Cette manœuvre, conduisant au renvoi direct devant la Commission Paritaire Mixte a coupé court à l’examen des 3500 amendements déposés par la gauche. Ce sont finalement 14 sénateur-ices et 13 député-es, dont la moitié assume publiquement une proximité idéologique forte avec les défenseurs du système conventionnel, qui ont tranché en faveur du texte sans qu’un débat démocratique n’ait pu avoir lieu. Il aurait été l’occasion, pourtant, de faire entendre d’autres voix : celles des collectifs citoyens, militant-es écologistes et agriculteur-ices, confronté-es sur le terrain aux réalités concrètes du changement climatique, et qui appellent de leur voeu l’invention d’un autre modèle.