Le consentement : entre outil de lutte et mythe

, Numéro 10

Depuis le 6 novembre 2025, la définition pénale du viol et des agressions sexuelles a été modifiée pour y inclure une définition explicite du consentement. L’article dispose désormais que « le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable ». Cette évolution législative s’inscrit dans le prolongement de la notion de « culture du consentement », en opposition à la culture du viol, qui tente de faire du respect de l’autonomie et des limites de chacun-e un principe juridique et social.

Mais peut-on parler de consentement dans un monde où le viol est une conséquence évidente des structures de domination ?

La criminalisation n’empêche pas les viols, elle définit leurs limites légales sans transformer en profondeur les conditions sociales, économiques et psychologiques qui rendent possible ou impossible un véritable « oui ».

Il faudrait donc questionner les conditions concrètes qui permettent, ou empêchent, l’exercice d’une autonomie réelle. Dans des contextes tels que l’emprise, ou la dépendance affective ou économique, la capacité à consentir est limitée. Pour ces personnes il y a donc un enjeu d’applicabilité réelle de la loi. La question est également de savoir si le consentement est réellement l’outil le plus pertinent pour lutter contre les violences faites aux femmes.

En se centrant sur une autonomie supposée équivalente entre individus, on risque de passer à côté des rapports sociaux et de genre qui structurent les interactions et produisent des violences. 

Sans prendre en compte le fait que certains individus, au-delà de ne pas être en position d’exprimer un refus, ne peuvent parfois même pas concevoir qu’iels pourraient refuser.

Faire du consentement la clé de voûte de la lutte contre les violences sexuelles revient à adopter une vision contractuelle des relations humaines, comme si tout pouvait se négocier entre individus au sein d’un système inchangé.

La loi a un rôle important, mais elle ne libère pas. Elle trace les limites du « non », mais ne peut pas, à elle seule, créer les conditions d’un véritable « oui ». Attendre de la loi qu’elle nous émancipe des rapports de pouvoir serait même dangereux. L’histoire récente le rappelle : au nom d’une prétendue protection des femmes jugées incapables de consentir, certains textes, sur le foulard ou sur le travail du sexe, ont restreint leur autonomie et ont servi à nous contrôler plutôt qu’à nous défendre.

Dans ce paysage, une loi libérale apparaît finalement comme une faible victoire, car elle protège sans prétendre émanciper. Mais la transformation réelle ne dépend pas d’un perfectionnement du droit, ni d’un recours à la pénalisation. Faire reculer les dominations exige d’autres outils que la justice pénale, qui permettent véritablement aux personnes de gagner en autonomie. Car un consentement n’est libre que si la personne l’est. 

Placer la « culture du consentement » au centre du combat contre les violences sexuelles, c’est oublier que le consentement ne garantit pas l’égalité, il la suppose. 

Enfin, se focaliser uniquement sur le consentement occulte un angle mort majeur, celui des personnes qui ne peuvent pas consentir du tout, notamment les enfants, qui sont pourtant parmi les principales victimes de violences sexuelles. Si le droit prévoit déjà, pour les moins de 15 ans, un régime distinct qui ne repose pas sur le consentement, cela rappelle que celui-ci est insuffisant pour penser l’ensemble des violences.

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