0,1% des présentes : mais où sont les fémonationalistes ?

, Numéro 10

Le collectif d’extrême droite Nemesis a une fois de plus annoncé son projet de participer à la manifestation annuelle contre les violences faites aux femmes de ce samedi. Cette présence fait partie d’une tentative, par divers groupes nationalistes, d’occuper la question des violences faites aux femmes avec un discours raciste.

D’importantes réactions de la gauche et des féministes ont fait de leur présence, ou de celle de Nous Vivrons, un enjeu central, posant une question dans le débat public : ces groupes devraient avoir le droit de défiler dans ces manifestations ? Or, c’est du ministère de l’Intérieur dont dépend finalement l’encadrement policier des manifestations, et il a été occupé durant ces dernières années par un Bruno Retailleau qui affichait publiquement son soutien à Nemesis.

Nemesis défilera probablement cette année encore, en queue de cortège, sous la protection d’un cordon de gendarmes les séparant de la manifestation. Cela plaît à leur récit de victimisation, et fait oublier un instant qu’elles sont en nombre réduit :  moins de 0,1% des manifestantes… Pourquoi, alors, l’œil des féministes se focalise-t-il sur une minable contre-manifestation ?

En réalité, elles produisent autre chose que leur simple propagande, déjà déversée quotidiennement par la télé d’extrême-droite : elles nous donnent aussi une excuse pour détourner le regard. Car dans la première partie du cortège, se trouvent toujours bon nombre de collectifs qui ont une responsabilité bien plus ancienne dans les instrumentalisations racistes du féminisme. Pour ceux qui existaient alors, la quasi-intégralité a soutenu la loi islamophobe de 2004 interdisant le port du foulard à l’école. Les mêmes ont souvent soutenu, malgré les avertissements des concernées, les diverses lois de lutte contre la prostitution, qui mettent aujourd’hui en prison ou privent de leurs papiers plus de femmes migrantes qu’elles ne puniront jamais de clients. Ces lois ont nourri un terreau idéologique qui a facilité la revendication du féminisme par l’extrême-droite, comme outil de normalisation, de la rue à CNews.

Et si une nouvelle génération a émergé, et que certaines, à commencer par #NousToutes, ont fait évoluer leur positionnement, ce sont bien des groupes encore perçus comme de gauche, proches souvent du PS ou du PCF, qui forment la base sociale et idéologique du féminisme « de gouvernement », présent aujourd’hui au HCE, au ministère de l’Égalité, ou dans les grandes fondations. Si celui-ci se bat contre les gouvernements pour plus d’argent contre les violences faites aux femmes, il ne forme aucun contre-pouvoir face au fémonationalisme de ce dernier : une approche centrée sur le couple police / justice pénale, et sur la défense d’une féminité fragile face à un danger sécuritaire, faute de remettre en cause à la racine les rapports de domination genrés.

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