Catégorie : ailleurs

  • À Gaza, survivre à l’aide

    Depuis mai 2025, des centaines de Palestinien-nes ont été tué-es et des milliers blessé-es par l’armée israélienne, les employés de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) et des gangs armés à proximité de sites de distribution d’aide. 

    GHF est une organisation américaine enregistrée en février 2025, et décrite par les autorités israéliennes comme une « alternative aux chaînes traditionnelles d’assistance », notamment aux agences onusiennes. Une logique d’exception, justifiée par une autre : celle qui prive même les Palestinien-nes de l’aide humanitaire au prétexte d’en empêcher le détournement par le Hamas. 

    Les survivant-es des fusillades aux abords des sites d’aide parlent de tirs délibérés et de pièges mortels. Ce mois-ci, 170 ONG ont accusé GHF de ne pas respecter et même de violer les normes humanitaires, et ont exigé que son programme soit immédiatement fermé. Amnesty International a qualifié GHF d’outil du génocide à Gaza.

    Parmi les sous-traitants de GHF, on compte Safe Reach Solutions (SRS). Lancée en janvier 2025 par un vétéran de la CIA, l’organisation est décrite comme une émanation directe de Blackwater, société connue pour avoir mené des actions violentes contre des civils en Irak et en Afghanistan. 
    En juin, des témoignages de soldats israéliens révélaient dans le journal Haaretz qu’ils et elles avaient reçu pour ordre de tirer sur des civil-es si ces dernier-es se présentaient trop tôt sur les sites. L’opération aurait été intitulée « poisson salé », d’après la version israélienne du jeu pour enfants « 1, 2, 3, soleil ».

  • AirBnb, acteur de la crise mondiale du logement

    Les congés d’été approchent, et avec eux, des déplacements massifs de touristes aux quatre coins de la planète. Une entreprise, présente dans près de 200 pays, va probablement engranger quelque 2 milliards de dollars de bénéfice cette année encore : AirBnb. Créée en 2008, la plateforme américaine est devenue, au cours de la décennie 2010, le cauchemar des résident-es des grandes villes touristiques, et des politiques publiques de logement.

    Dans des villes comme Paris, Barcelone, ou New York, AirBnB ou des plateformes concurrentes sont en effet responsables depuis plusieurs années du faible nombre de logements disponibles, et de l’augmentation des loyers pour les habitant-es. Alors que la crise du logement est quasi-mondiale, les propriétaires font en effet plus de bénéfice en mettant leur logement en location courte durée pour les touristes, plutôt que sur le marché local.

    Ce problème de concurrence entre les usages touristiques et d’habitation n’est pas nouveau, et il est connu depuis longtemps des urbanistes. Toute ville touristique court le risque de devenir une ville-musée : qui se visite, mais dans laquelle on ne peut pas vivre. Mais là où l’industrie hôtelière est généralement fortement régulée par les politiques de la ville, AirBnB permet de les contourner. C’est ce qu’essaient de contrer depuis plusieurs années de nombreuses municipalités, interdisant ou limitant fortement la location de courte-durée par les particuliers, dans un bras de fer parfois tendu avec les lobbys des plateformes.

  • Rhétorique décoloniale, argent réactionnaire

    En mars, le Parlement ghanéen a relancé l’un des projets de loi anti-LGBTI les plus répressifs du continent. Quelques mois plus tôt, le Mali criminalisait pour la première fois les relations homosexuelles, jusqu’à sept ans de prison. Ces événements récents ne surgissent pas du néant, ni d’une prétendue essence conservatrice des sociétés africaines.

    Depuis plus de vingt ans, des groupes chrétiens ultraconservateurs américains, comme Family Watch International ou Abiding Truth Ministries, investissent massivement l’Afrique pour imposer un agenda anti-genre et anti-avortement, renforcés par les deux élections de Donald Trump. Les médias russes sont aussi des acteurs plus récents de cet impérialisme anti-genre et anti-droits, et diffusent massivement des théories complotistes liant droits LGBTI et néocolonialisme, tout en soutenant financièrement des événements promouvant “les valeurs familiales”.

    Ces organisations avancent masquées derrière une rhétorique parfois aussi panafricaine et décoloniale, pour rejeter les droits sexuels et reproductifs et nier l’existence même des minorités sexuelles. Elles présentent l’égalité des droits comme une intrusion occidentale, destructrice du tissu moral africain. Ce faisant, elles flattent l’homonationalisme et le fémonationalisme des pays du Nord, tout en répondant à moindre frais à une demande sociale légitime de décolonisation et de souveraineté politique.