Une bataille après l’autre : la révolution sauce Hollywood  

, Numéro 9

« Film antisfasciste pour des temps fascistes », « grande fresque politique », « souffle de vie inespéré pour l’Amérique », mais aussi « grand spectacle », « leçon de cinéma », ou tout simplement « le meilleur film de l’année »… à en croire ses critiques dithyrambiques, Paul Thomas Anderson aurait quasiment remporté la bataille culturelle. Avec Une bataille après l’autre, il réconcilierait œuvre de divertissement grand public et regard acerbe sur les polarisations américaines contemporaines.

C’est vrai que l’histoire qu’il raconte a des accents de révolution. Bob Ferguson (Leonardo Di Caprio), ex-membre d’un groupe d’action direct, élève seul sa fille Willa (Chase Infiniti), dont la mère a disparu dans la nature. Complètement désabusé, Bob renoue maladroitement avec ce passé alors que sa fille et lui sont pris en chasse par le Colonel Lockjaw (Sean Penn), un militaire qui cherche à prouver sa valeur à un club très privé de suprémacistes blancs. 

Mais derrière les apparences, le spectacle imaginé par Anderson laisse un goût un peu amer. Dans son Amérique hors du temps, il semble renvoyer dos à dos les méchants et les gentils, extrême chacun à leur manière. D’un côté, des méchants cartoonesques qui, malgré leurs positions de pouvoir, complotent dans des sous-sols pour la suprématie blanche. Pour leur faire face, pas grand-chose d’autre qu’une bande de bras cassés accros à l’adrénaline, dont les plus extrêmes trahissent leurs camarades pour sauver leur peau. Le tout se déroule dans une ambiance crasse de misogynie, car la révolution est visiblement une affaire de mecs. Les femmes, pourtant nombreuses à l’écran, sont réduites à être des incompétentes ou des objets de désir. Si c’est à ça que la révolution ressemble, alors l’ordre établi a de beaux jours devant lui.  

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