L’enfance à la recherche de protections

, Numéro 7

Un ours en peluche avec des pansements.

Mercredi 29 septembre, un collégien de 14 ans meurt des suites de ses blessures. Il avait poignardé en plein cours sa professeure de musique, puis lui-même. La justice, puis les médias soulignent sa « fascination pour le nazisme », « ses grandes difficultés scolaires » et « son parcours familial difficile ». Pris en charge depuis plusieurs années par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), l’adolescent avait subi des violences de la part de sa famille d’accueil et souffrait par ailleurs d’un handicap. Ce drame met en lumière les défaillances de deux institutions : l’Éducation nationale, qui compte actuellement 1 psychologue scolaire pour 1500 élèves, et la protection à l’enfance. 

En France, 380 000 enfants sont pris en charge par l’ASE dont 220 000 sont retiré-es du domicile familial. Ses services, pilotés depuis 1983 à l’échelle départementale, doivent organiser le placement initial mais aussi l’accompagnement des jeunes. Alors qu’elle est censée protéger des enfants déjà victimes de maltraitances parentales, les pouvoirs publics sont régulièrement alertés sur les graves dysfonctionnements de l’ASE. En avril 2025, la commission d’enquête parlementaire sur « les manquements des politiques de la protection de l’enfance » a rendu publiques des conclusions alarmantes sur l’état du dispositif. Leurs travaux s’inscrivent ainsi dans la lignée de nombreuses prises de paroles et recommandations déjà formulées dans les dernières années, par un rapport de la Cour des Comptes de novembre 2020 d’abord,  puis par une décision-cadre de la Défenseure des droits de janvier 2025 dénonçant de graves atteintes à l’intégrité et aux droits fondamentaux des enfants placé-es et de leurs familles. Le contexte de l’organisation à l’Assemblée nationale de cette commission d’enquête, à l’initiative du groupe socialiste, fait suite à l’indignation provoquée par les suicides de Lily et Méline et le décès de Myriam, toutes âgées de moins de 15 ans, et à la constitution d’un « Comité de vigilance » réunissant d’ancien-nes enfants placé-es, bien décidé-es à transformer ce système à bout de souffle. 

À l’issue de la commission, ce ne sont pas moins de 92 recommandations que les député-es ont proposées afin de « sortir du gouffre » : ils et elles alertent notamment sur la dégradation des conditions d’accueil et leurs conséquences sur la surexposition des enfants placé-es aux difficultés scolaires, économiques et psychologiques. Dans l’ensemble, les différents rapports publics et les militant-es pour les droits des enfants s’accordent pour dénoncer un double dysfonctionnement, structurel et politique. Structurel d’abord, parce qu’une majorité des départements peinent à faire face à la demande croissante de placements, faute de personnels formés et de lieux d’accueil adéquats, et doivent parfois se tourner vers des structures lucratives peu soucieuses des besoins des enfants à leur charge. Politique, surtout, parce que ces difficultés s’expliquent largement par un désengagement étatique.

Ce désinvestissement politique se constate à tous les niveaux, des services départementaux, qui voient les subventions nationales diminuées alors que leurs budgets explosent, jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’enfance n’a pas eu de ministère de plein exercice, et a parfois été complètement oubliée dans les portefeuilles ministériels. Elle doit se contenter, depuis 2025, d’un haut commissariat dirigé par Sarah El Haïry, au périmètre et moyens mal définis. Ainsi, la politique publique est restée largement décevante : rien d’autre qu’un Plan de lutte contre les violences, centré sur le renforcement du numéro 119 du Service national d’accueil de l’enfance en danger (SNATED) – des « mesurettes » décriées par les associations, bien en dessous des attentes et des urgences maintes fois dénoncées. 

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