Pas de chance, les numéros de Pdf ont tendance à être bouclés la veille des événements importants : votes de censure, annonces de budgets, annonces de gouvernement… À moins que la période tout entière ne soit faite de jours comme ceux-là. Des discours prévisibles, des mesures sans surprises et des budgets recyclés, dont la répétition attendue fait la fragilité de chaque instant.
En annonçant renoncer à l’usage du 49.3, qui a permis ces dernières années aux gouvernements de contourner les discussions parlementaires sur plusieurs textes majeurs, Sébastien Lecornu a visiblement surpris les socialistes. Dans leur quête d’apparaître comme les raisonnables et les négociateur-rices, iels avaient en effet fait du mode de gouvernement, plutôt que du fond du budget, le principal argument en faveur de leur vote de censure.
Le parti socialiste semble néanmoins prêt à censurer malgré tout : iels ne veulent pas courir le risque d’un soutien au gouvernement à quelques mois des municipales. Mais iels auront passé des semaines à attendre la copie de Sébastien Lecornu comme si elle pouvait être autre chose que mauvaise, plutôt que de préparer sa chute. Si une discussion sur le budget a lieu, on parlera donc peut-être enfin du fond : de pourquoi la taxe sur les holdings proposée par Lecornu est un leurre qui n’a rien à voir avec la taxe Zucman, laquelle ne vaut pas non plus l’impôt sur la fortune. Mais malgré la discussion, rien ne changera : le gouvernement dispose de quantité d’autres outils constitutionnels que le 49.3, et notamment de votes bloqués, pour effacer le travail parlementaire. Et si ça ne fonctionne pas, il peut toujours passer le budget par ordonnance.
Donc quoi ? L’édifice est bien en place, nous aurons un gouvernement, l’unique question est à nouveau pour combien de temps. Si le RN ne décide pas d’attendre, la censure peut se produire avant même les discussions sur le budget. Dans ce cas, il restera peu d’alternatives pour Macron à une nouvelle dissolution. Toutes les formations politiques s’y préparent : une mobilisation populaire supérieure encore à 2024 serait alors la clé de la victoire pour la gauche. Elle semble heureusement possible. Mais les configurations d’alliance ne seront pas les mêmes et elles commenceront à dessiner le paysage de la présidentielle, que celle-ci ait lieu en 2027 ou avant.