Les manifestations de septembre au Népal, puis au Maroc et à Madagascar ont popularisé le terme de « mouvements de la Gen Z » dans la presse internationale. Les manifestant-es elleux-mêmes se sont souvent approprié-es ce terme. Au Maroc, dans les manifestations d’octobre pour la santé et l’éducation, le collectif GenZ 212 est organisé autour d’un serveur Discord de plusieurs centaines de milliers de membres. Au Népal, le serveur Discord de l’organisation Hami Nepal a permis que plus de 10 000 personnes délibèrent et votent pour la nouvelle première ministre par intérim. Les militaires ayant pris le pouvoir l’ont nommée après avoir rencontré les représentants d’Hami Nepal. À Madagascar, le compte Instagram Gen Z Madagascar a joué un rôle important dans la diffusion d’informations, et le drapeau pirate du manga One Piece y est devenu, comme dans de nombreux autres endroits, un symbole de la mobilisation.
En se focalisant sur ces caractéristiques, la presse réduit souvent à un phénomène générationnel des mouvements populaires larges, parfois révolutionnaires, et dont l’origine est d’abord économique. Cette approche rappelle le qualificatif de « révolutions twitter » qui avaient pu être appliqué aux Printemps arabes de 2010.
Or, en 15 ans, internet a considérablement changé de visage. Les milliardaires de la tech ont prêté allégeance aux conservateurs, et les voix politiques sont désormais restreintes sur Meta et X. La période 2010-2015 peut sembler un âge d’or d’internet comme outil démocratique et pour la gauche : Bernie Sanders explosait sur Facebook, Jean-Luc Mélenchon développait avant tout le monde sa chaîne YouTube, et Podemos en Espagne organisait des votes internes sur Reddit. Malgré la participation populaire, les années qui ont suivi ont montré qu’ils avaient aussi l’avantage éphémère d’être les premier-es : comme dans le reste des médias, quand ils s’y mettent, les milliardaires sont finalement toujours avantagés pour diffuser leur propagande. Podemos ou d’autres expériences ont aussi montré les failles sur le long terme de la délibération en ligne et du solutionnisme technologique quand il s’agit de démocratie : sans cadre bien pensé, il donne souvent la main à l’activisme de groupes les plus organisés plus qu’il ne permet de véritable intelligence collective.
Les outils que l’on voit ressurgir aujourd’hui servent cependant très bien un troisième but, qui n’est ni la propagande, ni de remplacer les assemblées et les urnes : la coordination d’actions et de mouvements, dans un contexte et un moment précis, pour des objectifs politiques définis. Ils sont créés parfois par des mouvements organisés (Action populaire pour la FI, ou le projet de plateforme libre Mobilizon), ou lors de mobilisations populaires, reposent plus souvent sur des plateformes existantes. Ils restent dans ce cas là sensibles à la censure et au contrôle des réseaux par les gouvernements, comme on a pu l’observer en septembre au Népal.
