Le plus grand rendez-vous de la Bande dessinée n’aura pas lieu en 2026. Depuis 2007, la gestion du Festival International de la Bande Dessinée (FIBD) par la société 9eme Art+ est pointée du doigt par les actrices et acteurs du monde de la BD, tant pour sa gestion financière trouble que pour ses mauvais traitements envers ses employées. Cet automne, l’édifice a enfin vacillé.
Il faut dire que le FIBD n’en est pas à son coup d’essai en matière de scandale : en effet, en 2022, le festival avait jugé opportun de confier à Bastien Vivès, auteur de dessins à caractère pédopornographiques, une exposition carte blanche (celle-ci sera finalement annulée, mais sans reconnaissance de la part du festival des motifs reprochés à l’auteur). En 2024, l’affaire Chloé, responsable de la communication de la société 9eme Art+, renvoyée pour « faute grave » après avoir porté plainte pour un viol subi lors d’une soirée dans le cadre du festival en 2024, avait suscité la colère des autrices et des féministes, dans le silence encore des organisateurs.
Ce qui a sonné le glas pour cette édition 2026, c’est l’appel à girlcott lancé par un collectif dénonçant tout un système qui précarise les autrices et les auteurs à tous les niveaux. En effet, si le prix des tickets du festival ne fait qu’augmenter, les autrices et auteurs venant dédicacer leurs livres, elleux, ne sont aucunement rémunéré-es. En avril 2025, une première pétition réunissant près de 400 signatures à l’initiative des auteur-ices, du Syndicat des Travailleur-euses Artistes-Auteur-ices et du collectif MeToo BD, réclamait la fin du contrat pour l’organisation du FIBD par 9eme Art+. Cette demande n’a pas été entendue, et il a été annoncé début novembre que la société a été reconduite pour l’édition 2026.
Cet appel à girlcott a fait l’effet d’une traînée de poudre, et rapidement, un grand nombre d’autrices puis d’auteurs parmi les plus grands noms de la BD ont annoncé qu’iels ne viendraient pas à Angoulême en février 2026. Assez rapidement, les maisons d’éditions ont suivi le mouvement, et le festival s’est retrouvé à sec. Sans auteur-rices, le festival devient vide, plus personne n’a de raison de venir.
Après plusieurs semaines de rumeurs et de flou de la part de l’organisation, le festival a fini par annoncer la mise à l’arrêt de l’édition 2026 ce jeudi 27 novembre.s Remettant sur la table la question de la domination masculine dans le milieu de la bande-dessinée, les autrices initiatrices de ce mouvement dénoncent aussi la précarité du système de l’édition pour les artistes-auteur-ices, dans un moment où est à nouveau discutée au Sénat la question de la continuité des revenus pour ce statut. Elles nous montrent aussi que l’organisation collective par les femmes et la grève, parfois, ça marche !
