Pendant son mandat de président de la République, Valéry Giscard d’Estaing allait dîner régulièrement avec des Français-es « lambda », notamment pendant la période des fêtes. Preuve s’il en faut que le moment de l’année est politique, et que parler de politique à table est toujours admis pour les hommes blancs et puissants. Pour les femmes, c’est plus compliqué.
Depuis la sortie de Brigitte Macron au sujet des féministes ayant interrompu un spectacle de l’humoriste Ary Abittan, accusé de viol, beaucoup de femmes retournent le stigmate et se revendiquent « sales connes ». Celles qui se sentent visées sont artistes, femmes politiques, journalistes, mais aussi des femmes ordinaires loin de la célébrité. Difficile d’ignorer la sortie, tellement scandaleuse qu’elle laisse soupçonner un coup de la communicante Mimi Marchand, proche du couple présidentiel, pour couvrir l’actualité transphobe autour de la première dame, ainsi qu’un potentiel scandale autour de l’opération « Pièces jaunes ». Difficile d’ignorer aussi la place que prend cette petite phrase, face à la violence du reste de l’actualité : adoption d’un budget de casse sociale avec les voix du Parti socialiste et l’abstention des Écologistes, hausse des violences de l’extrême droite, massacres en Palestine et au Soudan, catastrophe climatique….
Être la « sale conne » à cette période, ou « casser l’ambiance à table », c’est souvent aussi simple que de demander que cessent les remarques racistes, misogynes, lgbtiphobes, grossophobes, etc. C’est parfois aussi simple que d’être vegan ou antispéciste, en période de grand massacre des animaux, ou de venir avec la personne qu’on aime. C’est souvent de faire tout le travail de production des moments familiaux, du repas aux cadeaux en passant par la médiation des conflits. C’est aussi d’être exclue de ces espaces, et parce que la majorité des pauvres sont des femmes, d’en porter le plus la charge financière.
Mais marquer notre désaccord quand on le peut n’est pas vain. Les femmes jeunes sont de plus en plus de gauche, à l’inverse des hommes de leur milieu social et de leur tranche d’âge chez qui la montée en puissance de l’extrême droite s’impose avec brutalité. La puissance de la réaction, parfois pour une simple remarque à table, est un marqueur de la crise du patriarcat : on peut s’en réjouir.
L’année 2025 a été rude et nous a offert peu de joies politiques. Mais on se le disait déjà dans le premier numéro de l’année : la seule lutte perdue d’avance, c’est celle qu’on ne mène pas jusqu’au bout.
Pdf prend sa pause annuelle. Le numéro 13 paraîtra le 19 janvier 2026 (20 numéros par an). Pour les fêtes, pensez à offrir un abonnement féministe ! Rendez-vous sur http://partidesfemmes.fr/cadeau
