L’avant-guerre au 21ème siècle ?

, Numéro 11

La semaine dernière, Emmanuel Macron a annoncé le rétablissement du service militaire, suspendu depuis 1996. C’est la première fois depuis 30 ans que l’État français prévoit d’enrôler en grand nombre la classe d’âge des jeunes majeur-es, et la première fois qu’on y inclut les femmes. Sur la base « du volontariat », il vise à faire s’enrôler des jeunes déjà poussé-es dans la précarité, et à qui les réformes de l’enseignement supérieur de ces dernières années ont fermé l’accès à des emplois qualifiés. Cette annonce est précédée à quelques jours près des propos de Fabien Mandon, chef d’état-major des armées : « Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants […] de souffrir économiquement […] alors on est en risque ».

Mais pourquoi nous prépare-t-on à la guerre ? C’est pourtant la paix, qui, sous la pression des États-Unis, est l’objet de négociations entre la Russie et l’Ukraine depuis plusieurs mois. 

Sans que l’on en mesure pleinement la portée historique, la guerre en Ukraine a accéléré depuis 2022 tous les projets de développement de « défense européenne » et rapproché encore plus la perspective d’une force armée supranationale. Et, si on parle si facilement dans la presse de guerre « aux frontières de l’Europe » c’est bien que les dirigeant-es de celle-ci se vivent de plus en plus, pour la première fois de l’histoire, à la tête d’une unité territoriale qui acquiert progressivement certaines des caractéristiques d’un nouvel État. Dans ce moment de l’histoire, se joue un élément central : le tracé exact des frontières extérieures de ces États-Unis d’Europe. Déjà renforcées par les politiques anti-migratoires, celles-ci deviennent aujourd’hui un enjeu économique et politique plus important que ses frontières intérieures.

S’habituer à l’idée d’un conflit ne se fait pas simplement par les discours de nos dirigeant-es. Cela mobilise toute la société : cinéma, jeux vidéo, retour à la mode de l’imprimé camouflage. La guerre est pourtant une prophétie autoréalisatrice que l’on peut conjurer. Surtout, l’empressement à nous y préparer n’est pas motivé que par sa perspective réelle : elle est aussi, toujours, un prétexte à moins de démocratie, moins de droits sociaux et syndicaux, alors que les industriels de l’armement voient leur carnet de commandes se remplir.

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